QUI EST ARIZMENDIARRIETA
Né dans la ferme Iturbe du petit village de Barinaga, non loin de Markina (Bizkaia) le 22 Avril 1915. Il est l’aîné d’une fratrie constituée de trois frères et d’une sœur.
A trois ans, ayant perdu un œil lors d’un accident domestique, on lui en met un de verre que, par la suite, il cachera avec des lunettes noires.
À 11 ans, il entre au petit séminaire de Castillo Elejabeitia (Bizkaia) où il obtient de bonnes notes, mais il a des difficultés d’adaptation à la langue espagnole.
Il renonce à faire jouer son droit d’aînesse sur l’héritage de la maison de famille.
A 15 ans, il va au Grand Séminaire de Vitoria. C’est là qu’il cultivera ses deux grands centres d’intérêt, à savoir:
* La langue basque, la culture et la question basque. Sur ce sujet, il a comme enseignants Manuel Lekuona (écrivain) José Miguel de Barandiaran (antropologue).
* Les questions sociales et le monde du travail. Dans ce domaine, ses grands professeurs sont John Thalamas (sociologue qui a étudié à Toulouse et Paris), Rufino Aldabalde et Joaquin Goikoetxeaundia (1904-1945) prêtre ouvrier en contact avec la fraternité Cardinal Mercier.
Il est convaincu que les prêtres devraient s’attaquer à la «question sociale», attitude prônée par les encycliques papales. Il suit un cours en sociologie à l’Université Pontificale de Comillas (Espagne) Il aurait voulu étudier à Louvain, mais ses supérieurs l’en empêchent.
La guerre civile interrompt ses études. Le séminaire est fermé et il s’enrôle dans la milice basque. Celle-ci l’exempte du service actif et l’affecte comme correspondant de guerre au journal basque «Eguna»
A l’issue de la guerre, il est dénoncé, emprisonné, traduit devant une cour martiale où il est condamné pour rébellion.
Enfin, il est gracié et exilé à Mondragon en tant que vicaire adjoint. Ceci est le seul poste de responsabilité qu’il reçevra de toute sa vie, jusqu’à sa mort en 1976.
ACTION A MONDRAGON
En 1941, à la suite de la guerre civile espagnole, la situation de Mondragon se caractérise par une misère noire et la désunion. Le village est divisé entre les gagnants et les perdants. Il est difficile d’agir sans être taxé de séparatisme ou de collaboration.
Il régnait alors une loi sociale inexorable selon laquelle: «le fils d’ouvrier est fait pour être manoeuvre et le fils de patron pour être ingénieur»
Pendant 15 ans il se met au service des besoins sociaux de la ville: loisirs pour les jeunes, services de santé et logement pour les travailleurs. En 1943, il fonde l’école professionnelle de Mondragon qui est à l’origine de l’actuelle Université de Mondragon.
Il comprend qu’il est nécessaire de « socialiser la connaissance pour socialiser le pouvoir ». Il identifie cinq jeunes étudiants comme leaders potentiels, les enrôle et les envoie à Saragosse suivre, vendredi-samedi-dimanche, des cours d’ingénieur industriel.
Et à leur retour, avec eux, il crée, en 1956, la première coopérative : ULGOR, acronyme résultant du nom des cinq jeunes basques qui ont rejoint son projet et qui sont Usatorre, Larrañaga, Gorroñogoitia, Ormaechea et Urtubay.
C’est le point de départ de la Corporation MONDRAGON. C’est le départ de ce qui allait devenir un groupe coopératif de 111 coopératives, avec 83.000 personnes, présent sur 4 continents, 60 pays, avec 19 centres de recherche et une université de quatre campus et 6000 étudiants.
Don José Maria comme nous l’appelions dans les relations quotidiennes, s’inspire principalement de la lecture des socialistes utopiques, notamment Robert Owen père du mouvement coopératif, des textes de l’éducateur Paulo Freire, le socialiste français Charles Fourier, le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier et Jacques Maritain qui a écrit Humanisme intégral et en particulier, la Personne et Bien Commun, Pour la Justice ….
Défenseur de la Doctrine Sociale de l’Église, il est engagé dans l’action, mais est peu porté sur les sermons et les dissertations intellectuelles.
C’est un fin connaisseur et défenseur de la tradition basque, en ce qui concerne la pratique du travail collectif entre voisins, appelé « auzolan » et de la gestion des «biens communs ». Ces deux traditions qui se pratiquaient dans l’environnement socioculturel de sa ville natale en
Biscaye, sont devenues des pierres de fondation utilisées dans certains de ses projets.
Au contexte européen, connu de tous, nous devons ajouter les suites de la guerre civile espagnole et la dictature de Franco soutenue principalement par l’Eglise catholique, laquelle était à son tour manipulée par Franco dans le but d’assurer la continuité de son régime.
DIAGNOSTIC
Arizmendiarrieta fait un diagnostic très critique, à la fois du libéralisme et du socialisme. Le libéralisme qui, au nom d’une liberté présumée, finit par imposer la liberté du plus fort et déclenche une guerre sans merci de tous contre tous. Les travailleurs sont soumis à des conditions comparables à celles de l’esclavage.
Finalement, il engendre une société non solidaire, voire éclatée.
Il critique aussi bien le socialisme qui produit un collectivisme totalitaire et des individus dépersonnalisés.
Pour se libérer de l’esclavage, les faibles ne trouvent pas d’autre moyen que de donner leur adhésion à une révolution violente qui leur impose en retour une dictature féroce, laquelle ne fait que répéter leur esclavage antérieur
Il comprend que la crise de la modernité résulte des tares des deux systèmes qui ne répondent pas aux valeurs éthiques et responsables, nécessaires au respect de la dignité des personnes.
Il constate que, contrairement à l’euphorie de l’après première guerre mondiale, après la seconde, se répand un profond pessimisme et un scepticisme radical où s’impose l’égoïsme personnel soutenu par le système existant, au détriment de la solidarité.
Il fait remarquer qu’on n’a jamais parlé autant de la liberté, de la valeur et de la dignité humaine, du bien commun, de l’intérêt de classe, que dans les temps récents. Mais, en réalité, on respecte l’homme moins que jamais. On en est arrivé à cette situation où prévalent l’ambition, l’arrogance et la cruauté du plus fort.
Selon ses propres termes : «Nous devons avouer que
l’homme reste encore une valeur non reconnue»
LES PROPOSITIONS D’ARIZMENDIARRIETA
C’est dans ce contexte que se situe son projet de «nouvel ordre social» qui devrait être mieux compris comme une «nouvelle civilisation», une «nouvelle étape historique» Il parle d’une situation dans la quelle une civilisation est en train de mourir.
Nous ne devons pas oublier qu’Arizmendiarrieta vit dans un village châtié par la répression d’après guerre. Certes, le temps passant, les références à la guerre diminuent et ce sera la proclamation des principes du «nouvel ordre» qui prend toute sa place. Il essaie de prouver la supériorité des nouveaux principes.
Il propose carrément un socialisme coopératif en face du libéralisme et du collectivisme du passé. Nous présenterons ensuite les concepts de base de ses propositions.
L’éducation
L’analyse détaillée des racines de la pensée d’Arizmendiarrieta nous montre qu’elles se situent au XIXe siècle, dans le mouvement d’émancipation sociale qui tourne autour du «travail et instruction» (Karl Löwith philosophe allemand) critiqué plus tard par Karl Marx.
Il souligne la dichotomie entre la masse des travailleurs sans instruction et les privilégiés de l’instruction.
Mais chacune des classes maintient des aspirations qui les unissent: En effet, les travailleurs veulent avoir accès à l’éducation et les bourgeois éduqués désirent être reconnus comme des «travailleurs du savoir». Bravant le risque de passer pour un homme des lumières attardé, Arizmendiarrieta propose de dépasser cette dichotomie, grâce à l’union de l’étude et le travail.
Certainement il reçoit de Kant son idée centrale selon laquelle «l’homme ne naît pas homme, mais qu’il le devient» et que «c’est par l’éducation seule qu’il devient un homme» Rappelons que Kant a écrit «L’homme n’est rien de plus que ce l’éducation fait de lui» (Kants Werke)
Conscient des objections possibles à cette idée utopique selon laquelle la société se transforme par l’éducation, Arizmendiarrieta va aussi chercher une aide dans Kant.
Quoique sa mise en œuvre ne soit pas facile, elle ne doit pas être qualifiée de rêve impossible. «Un idéal n’est rien de plus que l’idée d’une perfection qui ne s’est pas encore concrétisée dans l’expérience» disait-il. La lecture, qu’il fait du livre de Paul Freire, Pédagogie des Opprimés, livre qu’il surligne abondamment, semble confirmer son intérêt pour l’éducation.
C’est bien lui, aussi, qui affirme que «l’éducation doit être pratiquée avec lui (le travailleur) et non pas pour lui», que l’éducation doit être entendue comme un dialogue entre l’éducateur et l’éduqué où tous deux deviennent sujets d’un processus qui leurs permet de grandir ensemble.
Permettez-moi de partager avec vous cette intuition, qui n’est rien qu’une intuition: je pense, en effet, que cette vision de l’éducation, pourrait devenir un bon terrain pour un dialogue fructueux Simone Weil/Arizmendiarrieta.
Personne et Communauté
Arizmendiarrieta peut être considéré à partir de différents points de vue: les traditions politiques et sociales basques, à la lumière de la foi et de sa vocation sacerdotale, dans le mouvement syndical européen ou par rapport à la doctrine sociale chrétienne.
Enfin, il peut aussi être considéré comme un véritable penseur.
C’est un lieu commun de dire que les personnes sont à la base des coopératives. Si les personnes ne fonctionnent pas, les coopératives ne fonctionneront pas non plus.
Il en est de même de dire que l’idée de personne comprend celle de communauté: nés dans une communauté, nous devenons des personnes dans cette communauté.
Aujourd’hui, nous nous situerons au niveau théorique / philosophique et non pas au niveau pratique/social dans lequel nous nous plaçons d’habitude.
Quelle est, donc, cette personne à laquelle Arizmendiarrieta accorde tant d’importance? Et pourquoi est-elle si importante?
Un grand nombre des philosophies autour des deux guerres mondiales, la phénoménologie, l’existentialisme, le personnalisme, et même une bonne partie de la littérature de l’époque, ont mis l’accent sur le problème de l’homme, de la personne, et se sont efforcées de montrer que nous pouvions découvrir et vivre dans notre propre expérience immédiate, ce que nous ne pouvions pas dire à travers des concepts.
Nous découvrons la personne à travers des relations directes, écrit Gabriel Marcel. Nous découvrons quelqu’un en tant que personne lorsque nous entrons en relation avec lui: c’est à dire par le dialogue, le respect, l’acceptation de lui comme être unique.
Mais la transformation de notre interlocuteur d’individu en personne va nous transformer nous-mêmes.
En tant qu’individu, il peut avoir une valeur, plus ou moins de prix; mais pas en tant que personne, car tous et chacun nous avons alors uniquement une dignité, une dignité absolue, la même que toutes les autres personnes. Autrement dit, ce qui constitue la personne, c’est le mystère de son intimité unique, c’est la conscience, entendue dans toute sa richesse, c’est la conscience morale, mais aussi la conscience esthétique, mythique ou religieuse, c’est la conscience de la vérité, l’origine de toute science. C’est tout ce qui est spécifiquement humain, ce qui nous distingue en tant qu’humain, y compris la conscience sociale et la conscience de la communauté.
Nous constatons qu’Arizmendiarrieta au niveau de la pratique sociale affirme que «personne» est synonyme de liberté, de responsabilité, de maturité et de solidarité. En fait, ce sont exactement les mêmes qualités qui, selon
Arizmendiarrieta, décrivent le coopérateur. Selon ses propres mots «La clé est la conscience de chaque sujet» Mais la conscience doit être développée, travaillée, et doit être éduquée.
Développer la conscience, c’est, dans tous les sens, développer la personne. Et dans la pratique, la conscience se développe en apprenant à découvrir la personne dans les individus qui nous entourent, en respectant sa dignité; en nous battant tous ensemble, en partageant la liberté, en pratiquant l’entraide; enfin en créant tous ensemble, une communauté libre et maîtresse de son travail.
Bref, nous devenons des personnes, créant un ordre nouveau constitué de personnes et fait pour les personnes:
C’est l’idée de l’autogestion, de la démocratie prolétarienne, et de la création, à travers elle, d’une nouvelle société. «L’homme est la base de tout; telle sera la personne, ainsi sera la société» répétait-il.
Au lieu de clamer la primauté de l’individu sur la société, Arizmendiarrieta souligne que l’homme est un être communautaire, coopérateur par nature. Le concept de l’homme coopérateur d’Arizmendiarrieta comprend:
– Une théorie ou philosophie de la personne,
– Un concept de communauté
– Un théorie ou philosophie de l’histoire.
L’histoire de l’humanité connue à ce jour est l’histoire de la lutte des classes, écrit Marx. Le projet d’Arizmendiarrieta est de révolutionner l’histoire; de jeter les nouvelles bases de la coopération, et, par la même, de l’histoire. La coopération, pour qu’elle soit coopération entre personnes, doit être libre. Pour cela, les personnes doivent d’abord être libres elles-mêmes.
Avoir une conscience coopérative signifie adhérer à une philosophie de l’histoire. Cela signifie que nous devons apprendre à considérer l’histoire humaine (le travail, l’économie, la politique) dans la perspective de la propre pensée coopérative. Nous devons avoir conscience que, par le travail, nous faisons l’histoire. Et j’utilise une fois de plus une citation: «Conscience de liberté …. conscience de justice sociale …. conscience de développement …. conscience participative». Être coopérateur doit être une façon d’être une personne; c’est-à-dire une façon d’être dans le monde, de se sentir responsable du monde et de l’histoire.
De l’hétéronomie à l’autonomie. Au niveau pratique/sociale, Arizmendiarrieta estime que les sociétés capitalistes se sont érigées sur des profondes conditions d’hétéronomie qui font que la vie humaine est essentiellement déterminée par des objectifs et des tâches qui lui sont étrangères.
Mais nous ne pouvons pas oublier que l’éco nomie peut dévier aussi éco anomie. C’est déjà Emile Durkheim qui nous rappelle dans la Division du travail (1893) que l’anomie est une structure incapable d’offrir à tous ses membres les moyens pour atteindre les buts de la communauté.
C’est-à-dire l’anomie de briser les normes établis et amener la société au collapse général. Opposé à cette situation sociale, il pense que le travailleur doit être en mesure de participer en tant que membre de plein droit au processus et à l’organisation socio- économique, c’est-à-dire, qui, en tant que propriétaire, prend des décisions et en assume les risques.
L’entreprise est le centre névralgique dans lequel tout se joue, et partant, la réforme structurelle des paradigmes qui la régissent est nécessaire.
Son projet de coopération ne se limite pas à la promotion d’un nouveau modèle d’organisation de l’entreprise, dans laquelle la propriété et la gestion passeraient dans les mains des travailleurs eux-mêmes. C’est une pensée qui dépasse le projet traditionnel de la participation.
Ce projet, en effet, vise à transformer la nature et le rôle social de l’entreprise pour en faire une institution au service de la communauté et du bien-être des citoyens; autrement dit, c’est une conception de l’entreprise comme étant une institution au service de la justice sociale et de l’intérêt de la communauté.
En outre, ce n’est pas un projet limité à l’entreprise ou même à l’économie seule, mais bien un projet global qui vise à mettre, l’autogestion progressivement en pratique
dans les différents domaines de la vie sociale. Le projet d’Arizmendiarrieta c’est le cheminement de l’hétéronomie à l’autonomie. Son regard vise des personnes et des communautés auto-constituées, qui grâce à l’autorégulation des relations humaines et le principe de la coopération, tentent de libérer l’activité et le comportement humains des conditionnements externes.
En effet, en elles, émerge un modèle de personne et de communauté capable de gérer ses propres affaires, qui révolutionne la situation du sujet administré par des logiques qui lui sont étrangères. Cette pensée de l’intégration sociale est proche de celles de penseurs contemporains tels que Habermas (Théorie de l’action communicative) ou André Gorz (Métamorphose du Travail)
Militant Acteur de la pensée et penseur de l’action Arizmendiarrieta n’était pas, vraiment, un chercheur ou un philosophe. C’était, bien d’avantage, une personne convaincue de la nécessité de l’action et qui s’engageait dans l’action
«Une doctrine qui ne se met pas en pratique, des convictions qui ne se traduisent pas en action, sont des anomalies comme une vie qui ne palpiterait pas ou un mouvement qui ne vibrerait pas. Nous ne venons pas au monde pour le contempler ou nous lamenter, mais pour le transformer »
Suivant ses propres mots, «l’individu ne peut pas être pleinement lui-même, sans entrer dans des relations créatives, spirituellement et matériellement productives avec le monde dont il fait partie» Mais c’était aussi un militant de la pensée «Des bonnes idées chez des hommes incapables de les mettre en œuvre peuvent être une morphine dangereuse» disait-il. Parfois il était très radical dans ce domaine: «Les bonnes idées sont celles qui deviennent de réalités»
Et comme toute personne d’action, il savait combiner utopie et réalité. «L’idéal est d’arriver à faire le bien qu’on peut et non pas celui dont on rêve»
Son réalisme était le résultat de la combinaison de l’utopie et du pragmatisme. L’utopie nous indique la direction, pas le point d’arrivée, et il continuait ainsi: «L’utopie est nécessaire pour que nous prenions conscience de nos possibilités».
Mais sa critique de l’utopie pouvait s’associait souvent à l’utopie à des qualificatifs tels que palabres, des théories vides, à l’explosion rhétorique…
Il rechignait à croire dans le progressisme de beaucoup d’utopistes: assez souvent, un excès de discours progressistes et révolutionnaires cache un réel conservatisme sous jacent. Il aimait «Les utopies devenues réalité».
Et je cite, «pour améliorer notre existence, nous devons faire quelque chose de plus que de savoir tout ce que nous savons… Si nous n’avons pas mieux vécu ce n’est pas par manque de connaissances, mais bien par manque d’action»
Modestement, je crois que là aussi il y a des similitudes et des complémentarités avec la vie et la pensée de Simone Weil Économie de l’éthique et éthique de l’économie Arizmendiarrieta revendique une relation nouvelle et spécifique entre l’éthique et l’économie. Il est inconcevable d’octroyer à l’économie le rang d’une science objective et indépendante des obligations éthiques. Il considère que l’économie n’est rien de plus qu’un instrument dont la finalité est l’obtention des véritables objectifs humains. De son point de vue, l’économie est dans une relation de subordination vis-à-vis de l’éthique, elle est comme un instrument au service du développement humain, et non pas l’inverse.
Les principaux leviers pour parvenir à une organisation plus juste de la société sont les modes collectifs d’action et d’organisation. L’éthique communautaire est le principe fondamental qui sous-tend cette pensée.
Cette pensée d’Arizmendiarrieta nous propose quelque chose de différent de l’idéologie néo-libérale actuelle, à savoir, la construction d’une subjectivité communautaire revendiquant un destin collectif, à partir de la reconnaissance, de l’encouragement et de l’utilisation des particularités individuelles.
Le moyen pour bâtir la vie collective et pour transformer la vie sociale, est l’auto-organisation de la société civile. Mais ce doit être toujours à partir des valeurs éthiques. «La révolution économique sera morale ou ne sera pas» . Il connaissait certains écrits du philosophe social bâlois
Arthur Utz: Le but de l’économie est de satisfaire les besoins individuels et collectifs de tous les membres de la société pour atteindre le développement humain: c’est ça le «bien commun».
Et encore, «Le but de l’économie ne se trouve pas dans l’économie, elle-même, mais dans sa propre dimension humaine et sociétale»
Conclusion
Je me suis efforcé d’aborder la pensée d’Arizmendiarrieta, du point de vue de la philosophie de l’histoire. C’est un point de vue inhabituel pour nous, car le plus souvent, nous l’analysons sous l’angle des pratiques sociales, en soulignant son leadership, son modèle de gestion, son intérêt pour l’organisation du travail, l’importance qu’il accorde à l’éducation …. Nous soulignons les valeurs de la coopération: la responsabilité, la maturité, la solidarité, le travail, la collaboration.
Aujourd’hui, je voulais étudier la notion de personne qui comporte une philosophie de la personne, la notion de communauté et une conception de l’histoire : L’histoire comme un travail de coopération.
Je me suis appuyé sur l’ouvrage «El Hombre cooperativo» du philosophe Joxe Azurmendi, qui est, a mon avis, l’œuvre majeure, pour comprendre la pensée d’Arizmendiarrieta.
J’interviens dans ce colloque de «Association pour l’Étude de la pensée de Simone Weil», inquiet du haut niveau d’exigence requis par la qualité de l’auditoire.
Je le fais néanmoins avec la conviction que le dialogue entre les pensées de Simone Weil et d’Arizmendiarrieta sera très fructueux pour tous ceux qui comprendront que ces deux penseurs nous ont légué des contributions transcendant leurs propres vies et jouant un rôle crucial pour nous aider à déchiffrer la période qu’ils ont vécue.
Pour notre part, dans notre association, nous tenons à poursuivre le chemin indiqué par Emilia Bea lors de l’Assemblée Générale de l’Association des Amis d’Arizmendiarrieta, tenue en Avril 2015, et au cours de laquelle elle nous a délivré une intervention intitulée : «Le Travail comme objet de contemplation. Simone Weil et la condition ouvrière».